Nous avons appris vendredi la désignation de la start-up ALAN pour le volet santé de notre Protection Sociale Complémentaire (PSC) collective et obligatoire à compter du 01/01/2026 (et de la GMF pour la prévoyance).
Les ministres, trahissant leur propre ministère, ont fait le choix du pire et mettre ainsi fin à des décennies d'économie sociale et solidaire au travers du référencement de la MGEFI. Un choix qui s'inscrit dans un contexte de destruction méthodique du secteur public et de ses valeurs, notamment d’un certain esprit mutualiste. Même si ce dernier s’était un peu perdu sous les effets de la loi du marché concurrentiel, et même si à Solidaires nous avons le 100 % Sécu pour boussole, il existait encore une forme de démocratie et de proximité dans nos mutuelles. Mais comprenez, c’est du passé d’être adhérent·e, et c’est tellement plus «agile» d’être un client·e bien individualisé, tellement plus «souple» de tout traiter en ligne avec les «solutions innovantes» de ces jeunes génies de la tech, de la com… et du business.
Leur business ? Parlons-en un peu. Totalement inconnue du grand public, la start-up de l’« assurtech » ALAN avait déjà en quelques mois raflé plusieurs marchés publics de la PSC, au nez et à la barbe des mutuelles historiques. Ces succès ont surpris les spécialistes du secteur car il est de notoriété publique que le modèle économique du néo-assureur est fragile et que sa pérennité n’est pas assurée, le développement accéléré de la société ayant généré des pertes comptables considérables. Plus largement, en 2023, les comptes font état au niveau du groupe ALAN de fonds propres libres de 192 millions d’euros pour des capitaux « levés » (capital social et prime d’émission lors des levées de fonds) de 442 millions d’euros, soir une perte cumulée sur sept ans de l’ordre de 250 millions d’euros.
Ces chiffres inquiètent et révèlent un modèle de développement problématique. En résumé : plus le groupe accumule des pertes, plus il doit y faire face en multipliant les levées de fonds. Cette manière d’agir pourrait s’apparenter à de la « cavalerie ». Dire que nous sommes au Ministère des Finances…
Et que dire des investisseurs qui ont misé sur la gentille licorne ? Une autre inquiétude a trait à leur identité et leur nature. Un sulfureux fonds de pension anglo-saxon (le canadien OTPP), un fonds souverain de Singapour, un très puissant hedge fund américain, le fonds Lakestar basé à Francfort (qui est ce qu’on appelle un « Spac », une coquille vide créée dans le but de fondre sur une proie et de l’y intégrer), mais aussi Belfius, structure héritière de Dexia Banque Belgique (dont de nombreuses collectivités françaises se souviennent amèrement). Bref, que des bienfaiteurs empathiques dont le souci majeur est la qualité de notre protection sociale…
Parmi d’autres motifs d’inquiétude, certaines pratiques de délocalisation : sur une page de son propre site internet on apprend que certaines données collectées des assurés sociaux pourraient être traitées en Tunisie. Cette gestion low cost est-elle compatible avec la sécurité des données. Il s’agit pourtant de nos données de santé, pas de nos abonnements box internet !
Mais, rassurons-nous (ou pas), le patron fondateur d’ALAN, Jean-Charles Samuelian correspond parfaitement au modèle de la «start-up nation» si cher à Emmanuel Macron. À tel point que le chef de l’État a pris le jeune patron sous sa protection et le met en avant à chaque fois qu’il le peut. En 2019, et malgré la modestie de la start-up naissante, il l’invite à Versailles au happening présidentiel «Choose France» avec 150 grands patrons du monde entier. Plus tard, Alan est directement félicitée et vantée par Emmanuel Macron sur LinkedIn lors d’une énième levée de fonds.
Enfin, Jean-Charles Samuelian a fait savoir qu’il avait «versé 5 000 euros à Renaissance pour la campagne 2022 d’Emmanuel Macron». Le monsieur sait investir, nous sommes rassuré·es.
Et maintenant ?
Nous sommes en colère mais gardons la tête froide. Ce choix ne remet pas en cause l'accord que nous avons signé et dans lequel Solidaires Finances a arraché beaucoup de choses, que nous vous avons expliquées lors de nos réunions d’information. Cet accord est notre rempart et nous le défendrons à la virgule près auprès du ministère et de l'opérateur. Ce dernier a également été tenu de prendre des engagements pour obtenir le marché. Nous ne les connaissons pas entièrement à ce jour mais Solidaires Finances sera aussi intransigeant que vigilant. Notre stratégie lors des comités de suivi sera une stratégie de combat pour la défense des intérêts de l'ensemble des agentes et agents du Ministère.
Vous l'aurez compris, nous aurions préféré un autre choix qui corresponde à nos valeurs mais le dispositif pour la couverture santé et prévoyance n'est pas remis en cause.
Mais à un moment il va falloir arrêter le foutage de g.....