logo Réunion     Saint Denis, le 29 octobre 2018

Madame la Déléguée du Directeur Général,

Je vous adresse le message de la section de La Réunion, envoyé ce jour au DRFIP de La Réunion.

2130 emplois ! C'est le nombre de suppressions d'emplois annoncé cette année par notre ministre pour notre Direction Générale. C'est 500 de plus que l'an dernier. La dégradation se poursuit inexorablement, contre toutes les logiques, contre toutes les réalités et en dépit de toutes les souffrances dans nos services.

20 suppressions d'emplois étaient prévues pour le Département de La Réunion l'an dernier et grâce à notre persévérance, nos actions et notre détermination, nous avons obtenu que ces suppressions soient ramenées à 3 emplois. Nous considérons toujours que c'est trois de trop !

Ces suppressions ont causé des dommages irréparables dans nos services, avec des effectifs insuffisants dans les services extérieurs (la DRFIP ayant opté pour le maintien d'un surnombre en Direction). La pérennisation de la moitié de l'équipe de renfort dans des sites en difficultés crée un manque cruel dans tous les services, incapables de pallier les absences diverses ( congés, maladie, formations…), et aux dysfonctionnements des applications informatiques imposées, comme Medoc-web. Les Trésoreries sont en difficulté à la moindre absence, même prévue.

Les conditions de travail se sont considérablement dégradées avec des tensions importantes avec la hiérarchie ou entre collègues sur certains sites, et une aggravation de la difficulté à maintenir la qualité de l'accueil physique, toujours hors norme dans notre Département. La situation est d'une urgence absolue. Les usagers réunionnais subissent une rupture d'égalité de traitement avec les usagers des autres régions françaises en raison d'un sous effectif et un déficit de services publics que plus personne ne conteste.

Ils utilisent beaucoup moins les moyens modernes de déclaration et de paiement, en raison d'une réelle fracture numérique et d'un taux d'illettrisme trois fois plus important qu'en France hexagonale.

L'accueil physique est considérablement plus lourd et important qu'ailleurs. Cela s'est aggravé encore en 2018 avec l'augmentation des foyers fiscaux, le retard accumulé dans nos services suite au manque d'emplois et de formation.

Très récemment, les attentes d'une baisse de leurs taxes d'habitation et foncière, mais qui se sont finalement traduites par des augmentations en raison notamment de la création de la taxe GEMAPI, et la fin des abattements, ont généré incompréhension et frustration.

Résultats : des files d'attente encore plus denses dans tous les sites, trois blessés évacués par ambulance chez des réunionnais venus simplement payer leurs impôts, des grilles du SIP de St Pierre arrachées…

La contrainte faite aux contribuables de passer au tout dématérialisation a aggravé leurs inquiétudes, leurs angoisses et leurs colères aussi.

Nous avons atteint la côte d'alerte en 2018.

La situation socio-économique très difficile (42 % de la population en dessous du seuil de pauvreté soit trois fois plus qu'en métropole, les difficultés économiques des particuliers et des entreprises, un taux record de chômage qui ne cesse de progresser en 2018 et qui atteint 32%) a pour conséquence un afflux très important à nos guichets, une demande accrue de renseignements sur les démarches administratives devenues de plus en plus complexes, des demandes de délais en forte progression.

Cette population fragilisée économiquement, financièrement, socialement a besoin de service public. Nos collectivités locales, surendettées elles mêmes, pénalisées par un montant de restes à

recouvrer considérable sur les produits locaux (restes à recouvrer qui n'ont pas été la priorité de la DGFIP en matière de poursuites depuis plusieurs années) ont une exigence de conseil et d'assistance que nous ne pouvons plus leur rendre, faute de temps.

Le passage au prélèvement à la source va décupler les interrogations et les incompréhensions des contribuables non préparés à ce changement.

Les entreprises (aux 3/4 constituées de TPE à la Réunion) ne sont pas prêtes à une réforme de ce type, car elle est à la fois complexe et inadaptée à des entreprises qui ont déjà bien du mal à restituer la TVA et autres prélèvements sociaux collectés.

La DRFIP de La Réunion annonce une fiabilisation des états civils indispensable à cette réforme de 96%. Bien que ce chiffre nous semble exagérément optimiste et bien loin des réalités et, admettons qu'il soit fiable : cela laisse encore 20 000 foyers fiscaux qui se rendront sur nos 5 SIP pour des bugs.

Par ailleurs, 5000 foyers fiscaux n'ont pas fait de déclaration tout en étant non imposables, et seront donc en anomalie avec un prélèvement à taux neutre dés 2019. Ils se déplaceront également, n'en doutez pas, et que sur nos 5 sites !

Nos concitoyens vont se ruer dans nos accueils pour comprendre et faire leurs changements d'état civil ou d'employeurs, et nos agents vont se retrouver seuls face aux questions auxquelles pour le moment, personne n'a de réponse. Le délai immédiat pour ces changements tant vantés par la communication de notre Administration n'est qu'un leurre et vous le savez.

Certaines applications et dispositifs (pour le PAS par exemple) ne fonctionnent pas ou de façon incomplète, y compris le numéro vert communiqué par notre ministre.

Les SIE qui seront chargés du recouvrement sont déjà fortement touchés, handicapés par un turn-over des personnels de plus en plus fréquent, en raison d'un profond mal être au travail. Un sous effectif chronique, de multiples changements depuis plusieurs années, une application informatique MEDOC WEB totalement inefficace et une perte de sens de leurs missions…

La DRFIP de La Réunion est manifestement dans l'incapacité de faire face à l'ensemble de ses obligations. De nombreuses missions sont soit laissées de côté, soit considérablement retardées.

Toute suppression d'emploi dans ce contexte serait véritablement de nature à mettre en danger nos agents, la sécurité des usagers n’étant déjà plus assurée sur certains sites de la DRFIP.

Nos services ont fonctionné toute l’année dans l'extrême urgence. Des décisions verticales, sans concertation, des notes de service de toutes parts, sur des matières les plus diverses, sans explication et parfois totalement incohérentes, la multiplicité des demandes de statistiques, les tensions sur les objectifs en total inadéquation avec les moyens disponibles, ont contribué à couper définitivement les agents des services extérieurs des services de la Direction et augmenter leur sentiment d’abandon.

La perte de sens de notre métier fait ainsi son chemin inexorablement en détruisant au plus profond de chacun, sa capacité à endurer, sa volonté de continuer, et sa conviction d'être digne et utile dans son emploi.

Pour Solidaires Finances Publiques, il est urgent et prioritaire de faire face à cette réalité. Chaque emploi en moins cette année encore, sera inacceptable, irresponsable, et mettra les agents de la DRFIP dans une situation de danger imminent, Madame la Déléguée.

Je vous prie de croire, Madame la Déléguée, l'assurance de ma considération distinguée.

Jocelyn Cavillot

Administrateur Régional

Magali Billard

Secrétaire Départementale

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