La mort des missions topographiques et cadastrales à la DGFIP ?

 

Le GT Foncier Innovant a rendu son verdict. Sans surprise, il n'est pas réjouissant. Les ambitions de la DGFIP pour les missions foncières, cadastrales et topographiques sont à l'opposé de notre conception du service public. D’aucuns imagineront notre titre alarmiste, le fruit de l’imagination de syndicalistes prétendument excessifs. Pourtant, à la lecture des échanges lors du dernier GT sur la mise en place du Foncier Innovant, la question prend tout son sens.

Encore des suppressions de postes

Encore 300 emplois supprimés dans la sphère des missions cadastrales : l’administration assume froidement faire de l’efficience, concept utilisé à la va-vite dès lors qu’il convient de justifier des nouvelles suppressions de postes. Conséquence directe de la mise en place de la LOLF et de toutes les politiques publiques qui en ont découlé de la RGPP, en passant par la MAP pour arriver à CAP22 (Cf. unité 1146), l’efficience impliquerait d’adjoindre à l’exercice d’une mission de service public un nombre d’agentes et d'agents le plus faible possible. Comme si les personnels du cadastre, des services fonciers, n’étaient pas surchargés : Par l’arrivée de GMBI et les multiples interrogations qu’elle occasionne, par les sempiternelles suppressions de postes annuelles, par la multiplication des postes vacants non pourvus et parfois gelés, ou par les restructurations entraînant une déperdition des compétences.

Agentes et agents sacrifiés

Pire, se plaindre de conditions de travail dégradées, du moins de la hausse notable des sollicitations, constitueraient pour l’administration, un refus d’apporter conseil aux contribuables, presqu’un refus d’exercer nos missions de service public . Comme si les agentes et agents de la DGFIP avaient des leçons à recevoir en matière de sauvegarde de service public. Comme si les difficultés remontées par les agentes et agents n’étaient finalement que le fruit de leur imagination et qu’elles ne seraient en tout étant de cause que ponctuelles. Agentes et agents du cadastre, réjouissez vous, le Foncier Innovant va vous faciliter la vie, révolutionner l’exercice des missions cadastrales et topographiques.

Traitements algorithmiques et emplois

Passons sur le fait que la DGFIP œuvre avec Google pour exercer des missions liées au contrôle fiscal, passons qu’une partie des missions algorithmiques confiées à un prestataire privé soient sous traitées à Madagascar, ces questionnements ne sont probablement que des balbutiements pseudo philosophiques de syndicalistes enfermés dans leur position d’insiders, tout juste bons à protester pour préserver les si nombreux avantages des agent·es de la DGFIP. Et pourtant, si la défense des agentes et agents est effectivement une priorité de notre organisation, elle ne nous enferme pas dans une position corporatiste. Nous ne revendiquons pas la multiplication exponentielle des géomètres, mais un peu de sérieux… les effectifs réels s’elèvent aujourd’hui à 927 et le Foncier Innovant a pour corollaire immédiat de poursuivre la saignée.

Une fiabilité très approximative

Aujourd’hui, seule l’expérimentation sur la détection des piscines est finalisée. L’administration le reconnaît, c’est la partie la plus aisée du Foncier Innovant, il est infiniment moins compliqué de détecter par IA et orthophotos la présence de points bleus que de déterminer les bâtiments isolés et l’augmentation de surface bâtimentaire. Malgré cela, les erreurs de détection sur les piscines, avant intervention des personnels sur Icad, seraient de l’ordre de 35 %, loin de la fiabilité vantée et promise. Encore une fois, nous n’avons eu ces chiffres que pendant le GT, ils ne nous avaient pas été fournis en amont. Sont ils minorés, fiables, interprétables ? Difficile de l’affirmer ou de l’infirmer tant les documents péniblement fournis aux organisations syndicales étaient d’une indigence rare. Le langage techniciste, technophile, est caricatural.

Travers de l’IA

Comme si l’utilisation d’intelligences artificielles n’était jamais impactée par la survenance de biais algorithmiques, comme si les conditions de travail des agent·es n’allaient pas être fortement concernés par ce qui ressemblera à un travail du clic. Et que dire de la fiabilité des bases de données utilisées…

La destruction programmée du plan

Les orthophotos sont, dans le meilleur des cas fournis à intervalles triennaux. Comment peut on imaginer maintenir une représentation cadastrale et toporaphique fidèle à la réalité lorsque la base de données sur laquelle s’appuierait l’IA serait de 3 ans. La DGFiP perpétue ce mirage à imaginer que la représentation topographique ne pourrait se faire que par vues aériennes. Certainement l’une de ses incroyables idées que soufflera l’efficience au coin du feu. Une idée reprise avec enthousiasme par une DGFiP pyromane, la représentation d’un bâtiment pourrait ne plus être basée sur l’emprise du bâtiment, mais sur la toiture aperçue sur les orthophotos. Peu importent les débords de toits, les erreurs de paralaxe qui déporteront le bâtiments de plusieurs mètres. Impossible de détecter les réhabilitations de granges ou fermes en bâtiments habitables, de détecter les réaménagements de combles, de faire le travail de terrain indispensable pour fiabiliser les bases cadastrales. Les communes apprécieront, elles devront compter sur la magnificence des IA, sur ses algorithmes flirtant avec 3 ans de retard détectant ses innombrables piscines dans les provinces nordistes, jurassiennes ou ardennaises. Peut être Siri deviendra t-il l’interlocuteur privilégié des CCID?!

Relance des contribuables et intégration dans LASCOT

Un travail supplémentaire affectant les agents viendra se faire jour suite aux relances automatiques des incohérences détectées entre la présence d’éléments topographiques et les éventuelles absences déclaratives constatées. Au delà d’une phase de pré-contentieux qui pourrait être générée, des éventuelles évaluations d’office qui pourraient découler d’une absence de retour des contribuables, se pose la question de l'intégration de ces courriers au sein des applis métiers. Ces courriers d’information, ou de relance (dont on ignore encore la forme fialisée) devraient ainsi, selon l'administration, intégrer automatiquement Lascot. Une incohérence de plus lorsque l’on sait que les Directions s’acharnent sur le taux de GF-37 et sur l’apurement des bases LASCOT afin de préparer la bascule vers le module SURF (Surveillance Fiscale)

Autres réformes dans le paysage

L’ensemble des autres projets ou perspectives, si on peut les appeler comme tel a été rapidement évoqué. Solidaires Finances Publiques s’est étonné de la conduite de front du Foncier Innovant et des discussions pour transférer une partie des missions topographiques à l’IGN. Le bureau métier certifie qu’il n’y a pas d’incompatibilité à mener l’ensemble de front et Solidaires Finances Publiques se demande à quelle sauce vont être mangés les personnels des sphères foncières et cadastrales.

De son côté, la RPCU se poursuit avec des travaux en cours sur le département de l’Ain. Décision sera prise ensuite de poursuivre la généralisation ou non. Solidaires Finances Publiques dénonce l’absence de moyens humains et techniques rendant la conduite de la RPCU impossible et intenable sur l’ensemble du territoire.

Le prochain transfert de la Taxe d’urbanisme et la future révision des bases locatives pour les locaux d’habitation sont aussi dans le paysage. Malgré toutes ces réformes à venir, la Centrale s’évertue à considérer que des suppressions de postes sont toujours possibles, basculant définitivement l’efficience en stratégie de déficience.

Solidaires Finances Publiques s'oppose frontalement à la destruction programmée des missions foncières, cadastrales et topographiques et exige l'arrêt des suppressions de postes ainsi que l'arrêt des expérimentations hasardeuses d'intelligences artificielles envisagées par le seul prisme des réductions d'effectifs.