Monsieur le président du CTL,

A celles et ceux qui clament que la mobilisation contre le projet de retraites par point s’essouffle, les actions, mobilisations et journées de grève ne peuvent que démontrer le contraire. Si la grève n’est pas générale ni reconductible, cela ne signifie pas que le mouvement touche à sa fin comme voudrait le faire croire le pouvoir.

Au contraire, il est en train de prendre de nouvelles formes et de s’étendre de nombreuses façons, dont la seule limite est l’imagination des personnes mobilisées. Rarement avons-nous vu en France autant de formes d’expressions si variées, dynamiques, festives et combatives : flashmobs, chorégraphie, retraites aux flambeaux, chants militants qui deviennent des hymnes à la résistance, actions de rue où l’inventivité rivalise avec l’humour : sabres laser en plastique pour défier les tristes forces de l’ordre, tournées du Macron Circus, pancartes, affiches et collages, débarquement impromptus dans des buffets du Medef etc.

Dans les Landes, l'intersyndicale a demandé à être reçue par les députés et en rendra compte lors d'une grande réunion publique le 6 mars.

Des secteurs entiers restent mobilisés et continuent à exiger le retrait du projet de réforme. Le rejet reste massif, et, fait notable, il se conjugue avec la dénonciation d’autres réformes, relevant de la même logique et tout aussi néfastes : Celle de la destruction des services des Finances Publiques couplée aux suppressions d'emplois, celle du bac et du lycée dans l’éducation, celles qui touchent l’enseignement supérieurs et les instituts de formation des futurs enseignant-es.. Comme celles qui ont amené à la rupture le système de soin et les hôpitaux en France. La contestation est générale, à l’image de celle des Gilets jaunes, prenant de nouvelles formes, rejetant un système dans lequel les perdant-es sont la masse et les gagnant-es une poignée de nanti-es.

Les entreprises contribuent de moins en moins au financement de la protection sociale

Jusqu’au début des années 1990, les cotisations sociales sur les revenus d’activité représentaient près de 80 % des recettes de la protection sociale. Cette part a été drastiquement réduite au cours des trois dernières décennies, principalement sous l’effet de mesures d’exonération de cotisations sociales. Elle est de 61 % en 2017. La part des cotisations patronales dans le financement de la protection sociale a baissé de 18 points entre 1960 et 2017. Ce désengagement des entreprises conduit à un report du financement de la protection sociale sur les ménages au travers d’impôts et taxes affectés dont l’assiette de prélèvement porte essentiellement sur les salaires et pensions (CSG, CRDS) et la consommation (taxes sur les tabacs et alcools). L’État est également amené à compenser la plupart des allègements de cotisations sociales en utilisant des ressources qui ne peuvent dès lors être utilisées au financement des services publics.

Pourtant, Il est incontestable que les besoins augmentent et qu’ils augmenteront durant plusieurs années. La réforme, « systémique » et paramétrique « en même temps », voulue par Emmanuel Macron et son gouvernement, appauvrirait l’immense majorité des futurs retraités. Seuls ceux qui en ont les moyens se financeraient des systèmes complémentaires. Ce qui revient à admettre qu’il faudra consacrer une part supplémentaire de la richesse au financement des systèmes de retraites.

Ce financement supplémentaire peut cependant s’effectuer autrement :

  • mener une revue des « niches sociales », dont le coût avoisine les 90 milliards d’euros et l’efficacité n’est pas démontrée, afin d’élargir l’assiette des ressources sociales,
  • augmenter progressivement les cotisations sociales patronales,
  • lutter véritablement contre la fraude aux prélèvements obligatoires,
  • revenir sur certains choix fiscaux coûteux, injustes et inefficaces,
  • mener le débat sur un élargissement de l’assiette des ressources sociales tant pour les entreprises que pour les particuliers.
  • Faire cotiser les dividendes

le non respect du droit fiscal est évalué par notre organisation à au moins 80 milliards d’euros de manque à gagner par an. S’agissant de la « fraude sociale », contrairement aux idées fausses, elle provient dans son immense majorité du travail dissimulé : 18 à 23 milliards d’euros par an, sur un total 20 à 25 milliards d’euros de « fraude sociale » annuelle selon la Cour des comptes.

Combattre la fraude fiscale est une exigence légitime : la fraude provoque un manque à gagner budgétaire, elle mine le consentement à l’impôt et fausse les conditions de l’activité économique. Au surplus, compte tenu du rôle de la fiscalité dans le financement des régimes de retraites, renforcer véritablement la lutte contre les différentes formes d’évasions et de fraudes fiscales est une urgence absolue. Pour ce faire, il faut créer des emplois dans la sphère du contrôle fiscal (alors que plus de 3 000 emplois y ont été supprimés depuis le milieu des années 2000) et améliorer les outils juridiques et matériels. Il faut aussi, et surtout, une orientation politique claire.

S’agissant de la « fraude sociale », elle est pour l’essentiel le fait du travail dissimulé. Celui-ci, plombe les ressources sociales, expose les salarié.es non déclarés, fait baisser artificiellement le « coût du travail » et aggrave la concurrence entre les salarié.es. La lutte contre la « fraude sociale » nécessite un renforcement de services tels que l’inspection du travail par exemple. Elle ne consiste pas, comme c'est trop malheureusement mis en exergue, à suspecter son voisin de percevoir indûment des allocations ni à dénoncer un prétendu « assistanat ».

Combattre plus et mieux la fraude s’impose et produirait de effets positifs (économiques, budgétaires, sociaux mais aussi climatiques). Aussi, un véritable renforcement de la lutte contre les fraudes améliorerait la situation des finances publiques et par conséquent le financement des régimes de retraites.

Enfin, concernant l'ordre du jour de ce CTL, Solidaires Finances Publiques constate que vous abordez le sujet du NRP par le petit bout de la lorgnette en saucissonnant les sujets au fil du temps. En effet, il est particulièrement dommage et dommageable pour le dialogue social, auquel vous ne semblez donner que l'apparence d'y être attaché, que la réforme d'ensemble ne soit pas examinée globalement. Dans les prochaines années, vous allez modifier profondément les services, réorganiser violemment les organisations du travail, supprimer des structures et encore des emplois et alors que tout est lié et interpénétrer, ni le CHSCT, ni le CTL ne sont consultés sur la totalité du projet.

Vous comprendrez donc facilement monsieur le président, qu'après des mois de boycott des instances par notre organisation syndicale, nous attendons de votre part des gages sérieux et durables afin de garantir notre retour dans les instances.