L'Ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés au titre de la période d'urgence sanitaire est parue au JORF ce 16 avril 2020.
C’est un couteau dans la plaie des agents subissant déjà une position imposée et forte de contraintes, n’en déplaise à ces messieurs ! (cf notre article sur le sujet https://solidairesfinancespubliques.org/vie-des-agents/carriere/3199-non-au-confinement-du-droit-aux-conges-payes-et-artt.html ). Le sujet des congés et RTT est attendu par les agent.es, mais dans le sens où ces derniers se demandent si et quand ils pourront en poser, car la reprise d’activité générera une forte hausse de sollicitations, notamment la campagne IR, mais pas que. C’est aussi le cas, bien sûr des agent.es qui se rendent quotidiennement dans les services, dans les conditions de travail dégradées que l’on sait, dans le cadre du plan de continuité de l’activité.
La logique sous-jacente de ce texte est à rapprocher des déclarations péremptoires du Medef qui n’aura de cesse de remettre en cause le temps de travail et des droits sociaux. Ne nous y trompons pas, l’après crise a déjà commencé à se préparer et les vieilles lunes libérales ont engagé une offensive que leur main sur le cœur ne masque pas au nom de l’unité nationale et de « l’effort de guerre » à fournir pour redresser le pays. Cette offensive qui prépare les jours heureux d’une poignée se met en place malgré les déclarations de bons sentiments.
Le Président de la république, le premier ministre, les ministres, notre directeur général n’ont en effet dans leur discours récent que des compliments, des remerciements, des expressions gentillettes pleines de reconnaissances envers les fonctionnaires. A tel point que ça en devenait gênant, tant nos oreilles ne sont pas habituées à de pareilles louanges. Presque des acouphènes disgracieux tant ils dégoulinaient de bons sentiments. Mais il semble que ces messages ne s’adressent qu’à une partie des agent.es, qui sont certes « au front » en quelque sorte, mais oublient fâcheusement les fonctionnaires en ASA pour garde d’enfant (souvent des femmes), ou parce que ne faisant pas partie des missions définies comme « prioritaires » dans le Plan de continuité d’activité (décidé par le DG lui même ) ou encore celles et ceux en télétravail, qui n’ont pas davantage choisi ces positions administratives. Elles leur ont été imposées.
Car quelle que soit leur situation, les agent.es l’ont toutes et tous subi. Or cette ordonnance les rend en quelque sorte responsables de cette situation et vise à les culpabiliser, pour mieux les sanctionner. Pour autant, à leur retour dans les bureaux, ne subiront-ils pas comme l’ensemble des agent.es une surcharge de travail ? En effet, en 2 mois, les sollicitations, mails, dossiers, contrôles etc. se seront accumulés. Ceux là, pour les remercier, l’État a décidé de spolier ce petit bout d’horizon, cette possibilité enfin de s’échapper de tout cela avec en perspective peut être un petit séjour en famille LOIN DU FOYER DE CONFINEMENT… Hé bien non ! En contrepartie de ton « inaction » pendant ces quelques semaines, tu dois rendre des jours de RTT ou de congés annuels. En gros, paye ton confinement, paye tes ASA!
Cette ordonnance impose à tout agent bénéficiant ou ayant bénéficié d'une autorisation spéciale d'absence (ASA) depuis le début du confinement (16 mars 2020) de poser des jours RTT et/ou congés annuels. Même obligation pour les agents qui, pendant cette période, sont ou ont été en télétravail. De plus, ces jours posés par la contrainte ne généreront aucun droit. Ils seront exclus, par exemple, pour le calcul du nombre de jours posés pour bénéficier des 2 jours supplémentaires pour congés pris hors période.
Une triple peine pour des agents qui n'ont rien demandé et tout subi :
Cette ordonnance est en tout premier lieu une remise en cause de l’Instruction Générale Harmonisée sur le Temps de Travail à la DGFIP, qui ne prévoit à aucun moment qu'une autorisation d'absence soit compensée par la pose de jours RTT ou de congés.
C'est aussi une double peine pour les collègues qui ont été mis dans une position administrative, ASA ou télétravail, non choisie... Collègues qui n’étaient pas volontaires à une mise en situation de télétravail à domicile avec tout ce que comporte cette situation en termes de conditions de travail et d’isolement. Cette ordonnance inique accentue la fracture des collectifs de travail dans la mesure où elle stigmatise des populations, celle des télétravailleurs, en l’occurrence, lesquels travaillent et paient un lourd tribut !
Pour les premiers,
cela s'accompagne déjà de la suspension, pendant cette période en ASA, de la possibilité de générer des jours RTT. Sur ce point, Solidaires Finances Publiques a déjà fait savoir lors des échanges tant avec le DG qu'avec les ministres, que ces jours d'ASA, parce que non choisis, ne devaient pas avoir d'impact sur les jours RTT. C'était d'ailleurs la position initiale de la DGFIP, qui l'avait fait savoir dans les différentes Foires aux Questions (FAQ) mises en en ligne sur les Ulysse locaux. FAQ depuis retirées ou modifiées...
Pour les seconds:
soit ils ont télétravaillé dans le cadre « ordinaire » de la convention signée avec leur Direction, soit, à défaut de pouvoir travailler en présentiel, le télétravail a été mis en place dans le cadre du Plan de Continuité d'Activité (PCA) à la DGFIP. Pourquoi donc, sous un prétexte fallacieux de nécessité de service, leur imposer de poser 5 jours de RTT dans la période allant du 17 avril à la fin de la période d’urgence sanitaire ?
-triple peine enfin pour les agents de la DGFIP : dans le même temps, les agents qui avaient déjà posé des congés (pour les vacances de Pâques par exemple) se sont vus refuser l'annulation de ces derniers, et, enfin, les agents qui voulaient poser des congés se sont vus refuser ces congés !
On nage en plein délire.
Par ailleurs, les tensions qui se font déjà jour de ci de là, vont être exacerbées entre les agents travaillant sur des missions considérées comme prioritaires dans le cadre du PCA, et les agents en ASA ou télétravail ; les uns reprochant aux autres de ne pas travailler (ou de travailler dans un cadre, à leur dire plus « confortable»). Les autres reprochant une situation imposée, certes au titre de la protection sanitaire, mais qui génère des contreparties difficiles à avaler. Et qu'en sera-t-il quand les conditions d'obtention de la prime exceptionnelle seront dévoilées ?
Cette décision renie la parole présidentielle : ainsi donc, certains droits seront remis en cause « coûte que coûte »… La période exceptionnelle nécessite des décisions exceptionnelles : celle-ci en constitue un triste exemple alors que la véritable décision exceptionnelle est de ne remettre en cause aucun droit.
Pour toutes ces raisons :
Dans les échanges que nous avons eu avec lui lors de l’audioconférence du 15 avril, le DG disait attendre le contenu exact du document avant d’envisager la manière dont il allait procéder. Il a indiqué qu’en la matière, il y aurait une application « mesurée de la loi ». Maintenant qu’il a le texte définitif en mains, et que ce dernier a été publié, à lui d’honorer son engagement ! On attend de voir.
Pour autant, Solidaires Finances Publiques demande d’ores et déjà que cette ordonnance ne soit, tout simplement et en tout bon sens, pas appliquée dans notre direction. Certains directeurs locaux ont d’ailleurs déjà été interpelés sur le sujet, par les agents, les militants, et la grogne, à juste titre est déjà en train de monter. Nous devons à la fois peser de tout notre poids tant au niveau de la fonction publique, mais également et surtout au niveau ministériel, avec Solidaires Finances, et, bien sûr à travers de Solidaires Finances Publiques à la DGFIP.
Les situations étant pour le moins hétérogènes, il appartiendra quoi qu’il arrive au service RH des directions de démontrer quelle était la position réelle des agent.es durant les périodes considérées, ce qui n’est déjà pas une mince affaire.
Martelons donc notre opposition à ce texte, afin que cette ordonnance ne soit pas imposée à des agents qui ont déjà du mal à avaler la pilule !