Les contrôles de la sécurité alimentaire de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, vont être abandonnés au ministère de l’Agriculture. Pour son dernier jour de ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire fait plaisir à l'industrie agro-alimentaire, alors que l’émotion des scandales Buitoni et Kinder n’est pas retombée.

Pour Solidaires CCRF & SCL, premier syndicat de la DGCCRF, ce coup de tonnerre est révélateur de l’(in)action du ministre Le Maire qui n’a montré qu’un intérêt très relatif pour la protection des consommatrices et des consommateurs pendant son passage à Bercy !

La méthode
Les missions de la DGCCRF sont variées, et recouvrent notamment le contrôle des produits alimentaires, à la production comme à la distribution. Ce sont des enquêtrices et enquêteurs de la DGCCRF qui ont mené ou mènent encore des investigations notamment dans les dossiers de la viande de cheval, des laits infantiles Lactalis, des aliments contaminés à l’oxyde d’éthylène, des pizzas Buitoni ou des chocolats Kinder. C’est aussi la DGCCRF qui contrôle l’hygiène des restaurants...

Enfin, c’étaient ses missions : le 11 mai 2022, par courriel aux personnels à 19h, la Directrice générale a informé les agents et agentes de « la création d'une police unique en charge de la sécurité sanitaire des aliments par le transfert de compétences du ministère de l'économie, des finances et de la relance (MEFR) vers le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) ». Une décision actée lors d’une réunion interministérielle tenue « très récemment » au niveau du cabinet du Premier Ministre. La DGCCRF ne conserverait que ses compétences en matière de loyauté et de lutte contre les fraudes, alors que la Direction Générale de l’Alimentation (DGAl) récupérerait au 1er janvier 2023 l’ensemble des contrôles liés à la sécurité sanitaire des aliments.

Cette décision ne tient pas compte d'un élément décisif concernant les infractions en matière de sécurité de l'alimentation, si des fraudes sont commises, c'est bien parce qu'elles génèrent des profits financiers, aussi l'expertise des agent·es de la DGCCRF ne se bornant pas à la seule question sanitaire, leur retirer ces missions est impensable. De plus, il est de notoriété publique que le ministère de l'agriculture entretient des liens privilégiés avec les lobbys de l'agroalimentaire, aussi on peut légitimement s'interroger sur les conflits d'intérêts que ce transfert sous-tend.

Bref, l’une des toutes dernières décisions politiques de MM. Castex, Le Maire et Denormandie est de casser le service public de la Sécurité Sanitaire des Aliments, en dehors de tout débat public. Solidaires CCRF & SCL pose alors la question : y aurait-il des choses à cacher derrière cette prise de décision ? Et à qui profite-t-elle ?

Des conséquences floues mais potentiellement redoutables
Outre la désorganisation inévitable induite par ce genre de décision, cette réforme va réduire encore la présence de la DGCCRF sur le terrain, sans réduire nécessairement le nombre de contrôles : un même établissement pourra être contrôlé pour la loyauté par la DGCCRF et pour l’Hygiène par la DGAl... puisque la DGCCRF ne pourra plus effectuer les deux contrôles en même temps. Une simplification, vraiment ?

Pire, cette décision ouvre la porte à un vieux serpent de mer : l’externalisation des missions de contrôles en hygiène alimentaire à la distribution : restaurants, charcuteries, boucheries et boulangeries dont celles des grandes et moyennes surfaces... Des contrôles payants, exercés par des entreprises à but lucratif, employant des personnels parfois précarisés, et non plus par des personnels indépendants ! Idem pour les analyses en laboratoire, exercées jusque-là par le Service Commun des Laboratoires de Bercy, désormais fortement menacé !

Et la protection des consommatrices et consommateurs dans tout ça ?
Car c’est bien la question qui reste en suspens : les crises alimentaires se suivent, sans réaction de gouvernements qui préfèrent le mot de compétitivité à celui de sécurité et se satisfont du sacrifice d’un bouc émissaire administratif plutôt que pointer du doigt les industriels défaillants. On retrouve une nouvelle fois la bonne vieille technique du « il fait trop chaud, cassons le thermomètre ! ».
Solidaires CCRF et SCL se refuse à accepter la fatalité face aux scandales sanitaires comme face à la casse du service public, et continuera à placer l’intérêt général au-dessus des profits et des carrières de quelques un·es...

Contacts : Roland GIRERD 06.89.56.20.69 / Emmanuel Paillusson 06.66.28.91.92