Monsieur le président,
Depuis le 16 mars dernier, nous sommes en guerre contre le coronavirus. Les seules armes dont nous disposions à cet instant tenaient d’une seule stratégie, la stratégie du manque : l’application des gestes barrière, la distanciation sociale et son corollaire principal, le confinement, y compris pour les fonctionnaires. Depuis cette date, après quelques jours de flottements, le nombre d’agents de nos directions en présentiel a fortement diminué. Dans le même temps, le télétravail a été très largement étendu. Il est devenu le quotidien des personnels déjà sous convention avant le début de la crise. Plusieurs d’entre nous se sont vus proposer ce mode de travail, pour exercer depuis chez eux, soit des missions prioritaires, soit des missions non-prioritaires. Nous autres, représentants du personnel avons, en responsabilité, fait d’énormes concessions en la matière, afin de garantir la sécurité sanitaire des agents.
Une autre partie des personnels a été confinée chez elle, en position d’autorisation d’absence, sans activité, faute de dotations en matériel informatique suffisante ou en raison d’une baisse importante d’activité.
Une dernière enfin, a dû gérer les enfants privés de crèches, d’écoles, s’isoler à cause de problèmes de santé, renoncer au présentiel parce que touchée par le virus. Tous ces agents ont été et sont encore les soldats de la lutte contre le virus.
Au même titre que les agents amenés à être présents (es) dans les services, pour assurer la continuité du service public et la « vie de la nation », ils ont suivi les consignes gouvernementales, répondu aux exigences de devoir civique au regard de la collectivité, fait preuve de sens de l’intérêt général et servi leur pays et leurs concitoyens en évitant de contaminer ou d’être contaminés et de surcharger les services d’urgence et leurs personnels. Elles et ils ont ainsi fait preuve de responsabilité et d’engagement.
Pourtant, ces conditions de vies quotidiennes, domestiques et professionnelles ne sont pas forcément des plus enviables ni pour eux, ni pour vous, ni pour nous.
A ce sens de l’intérêt général dont ils ont fait preuve pour éviter une hécatombe, le gouvernement les remercie en leur retirant de 5 à 10 jours selon les cas, à l’initiative des chefs de service, pour compenser la baisse ou l'interruption d’activité due au Covid-19. Il a donc décidé de tenir pour responsables et redevables les agents de la crise sanitaire. Pire, il introduit une division entre les agents qui laisse penser qu’il y aurait d'un côté les « vertueux et vertueuses » et de l'autre les « profiteurs et profiteuses » quand d'autres à l'autre bout de l'échelle sociale sont tout juste invités à éviter de se verser sans vergogne des dividendes colossaux.
Le message est clair, inciter les agents (es) à reprendre le chemin de leur travail, alors même que les conditions sanitaires sur le lieu de ce travail ne sont pas garanties et que nous n’avons pas l’assurance que tous les moyens seront mis en place pour les protéger.
Nous vous laissons imaginer les conséquences dans les services dès la semaine prochaine, la dégradation des relations entre les agents et leur hiérarchie et au sein des collectifs de travail.
Le gouvernement prend le risque de dégâts pour la santé mentale, physique et sociale de nous tous. « Nous allons tous êtres acteurs de ce dé-confinement. Il nous appartiendra à nous tous d’être responsables au moment du dé-confinement » a déclaré le Premier ministre le 19 avril. Ce ne sera pas qu’une responsabilité individuelle où chacune et chacun serait renvoyé à soi-même dans une inégalité de conditions, mais bel et bien une responsabilité collective.
Celle-ci devra être assumée et menée par celles et ceux qui dirigent et ont pour devoir de prévoir et de garantir l'intérêt général et le bien de toutes et tous.