La dinde, la farce
et les dindons
(Pièce en 3 actes, écrite par Emmanuel Edouard, destinée à décrocher le Tartuffe d’or du cynisme politique)
Acte I . Alors que le rapport Delevoye a été remis au gouvernement le 18 juillet, que les organisations syndicales des transports publics ont prévenu dès début septembre qu’elles envisageaient une grève à partir du 5 décembre, le gouvernement s’est volontairement abstenu de toute discussion qui aurait pu permettre de déminer un certain nombre de sujets sensibles (un mode de calcul des pensions favorable, une vraie prise en compte de certains facteurs de pénibilité, etc...) .
Mieux, le 10 décembre il rajoute de l’huile sur le feu, en annonçant la mise en place d’un âge pivot dès 2022.
Puis, après avoir agi en pyromane, il enfile un costume de pompier et réclame une trêve, pour que s’éteigne l’incendie qu’il a lui-même allumé, afin que chacun puisse déguster tranquillement en famille le gallinacé traditionnel de fin d’année.
Acte II. Changeant de tenue, le gouvernement se présente en pacificateur. Après cinq semaines de conflit, il proclame qu’il est prêt à un compromis en envisageant de retirer l’âge pivot.
Mais en encadrant cette éventualité de telles contraintes, notamment l’interdiction de toute hausse de cotisations patronales, qu’une absence de mesure affectant la durée du temps de travail apparaît improbable (celle-ci pouvant apparaître sous forme d’allongement de durée de cotisation et non plus de borne d’âge…).
En précisant qu’ il prendrait ses responsabilités , sous forme d’ordonnances (c’est à dire sans avoir besoin de consulter le Parlement), si les partenaires sociaux ne sont pas suffisamment aimables pour fournir des solutions conformes à ses vœux.
Et en évitant de braquer les projecteurs sur le fait qu’en tout état de cause, il entend instituer un « âge d’équilibre » (selon le même mécanisme que l’âge pivot), au plus tard en 2037, quand la génération 1975 parviendra à l’âge de la retraite.
Néanmoins les candides (qui avaient pourtant juré qu’on ne les y prendrait plus après la catastrophique refonte du régime de l’assurance chômage) se jettent sur la perche qui leur est tendue (ou peut être sur la verge pour se faire fouetter).
Pitoyable comédie, dont le scénario a été écrit manifestement à l’avance.
Acte III.Dernier changement de décor. Après avoir joué le pourrissement du conflit, rompu le front syndical, fait quelques concessions au moins formelles (quel enseignant peut croire une promesse de « revalorisation » salariale qui s’étale sur 15 ans ? ), la loi est votée et le gouvernement, en paysan madré, peut contempler son oeuvre.
De futurs retraités plumés, avec une pension réduite calculée sur la base d’une carrière entière, à la merci d’une valeur du point susceptible d’évolution et d’un « âge d’équilibre » toujours plus élevé.
Et si nous écrivions un acte IV !
A la fin de son Tartuffe, Molière faisait intervenir le roi, rendant justice et punissant les méchants.
Aujourd’hui, le souverain n’est plus le monarque, c’est le peuple. Si nul ne peut avoir la prétention de l’incarner à lui seul, chacun d’entre nous en est un fragment. Individuellement, nous pouvons peu. Collectivement, nous pouvons beaucoup.
Ensemble nous devons nous battre et nous pouvons gagner, pour empêcher un laminage des pensions de retraite et promouvoir des réformes pour plus de justice.
Oui, à chacun de prendre ses responsabilités.
https://paris.demosphere.net/rv/76935