28,86 % pour les Alpes Maritimes, ça paraît franchement décevant à première vue.
De même avec 35,98 % au niveau national (provisoire).

Je ne vous cache pas que cette déception était très perceptible chez les militants et collègues présents devant la DDFIP lorsque nous sommes descendus leur annoncer les résultats pour le 06...
Pareillement le lendemain matin, lors de la publication des chiffres nationaux.

Il a fallu digérer un peu le truc. Et il valait mieux.
Écrire à chaud n'étant pas forcément la meilleure chose à faire étant donné l'énergie déployée à construire cette mobilisation et le résultat pas assez à la hauteur de nos espérances, et surtout, des enjeux.

Mais maintenant que "ça va mieux", essayons tout de même de décortiquer ces chiffres un peu plus "finement".
(Car oui, sous des dehors un peu rustres, nous sommes capables d'éclairs de finesse et de volupté insoupçonnés).


Si on veut voir le verre à moitié plein (les points positifs) :

  • Nationalement :

Avec presque une trentaine de directions à plus de 50 % (une petite dizaine dépassant même les 60, voir 70%) et une bonne cinquantaine à plus de 40 %, les taux de grève atteignent des niveaux inégalés depuis le conflit social de 2000, le dernier que nous avons « gagné ».

De plus, de nombreux départements ont décidé de continuer les actions par des reconductions de la grève ou autres modalités.

La grève à été très largement unitaire. Solidaires Finances Publiques, CGT Finances Publiques, FO DGFiP, CFDT Finances Publiques et CFTC Finances Publiques ont appelé à l'action.

Elle a également été très couverte médiatiquement.
Télés, radios, journaux, sites nationaux et locaux, ont enfin permis de faire parler de la DGFiP, de ses agents et de leurs actions. Difficile d'échapper à cette info lundi soir et mardi.

Si on regarde avec un petit peu plus d'attention les chiffres communiqués par la DG, environ 76 000 agents devaient être présents.
La DGFIP compte un effectif total d'environ 100 000 agents. Les 24 000 restants étant probablement en congé de repos, en autorisation d'absence (concours etc.), en maladie ou autre.
Si on enlève les collègues malades, ceux passant un concours (celui d'inspecteur se tenait le 16 septembre) ou encore ceux « vraiment » en congé, on peut considérer que bon nombre d'agents ont posé une journée de repos parce qu'ils ne pouvaient pas se permettre de faire grève, mais ont quand même voulu montrer leur mécontentement en ne venant pas travailler.

Les grosses directions sont souvent celles qui font des taux inférieurs (avec de grands centres un tout petit peu moins impactés par les réformes, de grandes villes, donc une vie plus chère, mais aussi plus de jeunes agents qui sont peut-être moins motivés pour les actions etc.), contrairement aux départements ruraux qui sont souvent beaucoup plus mobilisés car plus fortement impactés.
L'histoire syndicale de chaque département rentre aussi parfois en ligne de compte.
Comme ces grosses directions ont plus d'agents en nombre total, leurs scores un peu plus faibles font aussi baisser la moyenne nationale.

De même, les directions spécialisées (+ les services dépendant directement de la DG) qui ne savent pas encore ce qui est prévu pour eux dans les projets de réforme des structures, se sont moins mobilisés. Historiquement, ces services se mobilisent déjà un peu moins. Cela a aussi contribué à faire baisser la moyenne.

Mais si on se concentre plus précisément sur les services touchés par les restructurations, c'est bien 1 agent sur 2 qui a décidé de manifester son mécontentement par la grève.

  • Localement :

Les collègues de Grasse ont bloqué leur site, un grand bravo à eux.
D'autres sites, accueils et trésoreries sont restés fermés grâce au fait de grève et c'est à souligner.

Si on se livre au même petit calcul que ci-dessus et considérant que nous sommes encore environ 1700 dans le 06, les agents devant être présent ont été chiffrés à 1 303.

Ce qui nous fait presque 400 collègues ayant posé une absence.
Ok il y a le concours, ok il y a des malades et des gens en vacance à Copacabana, mais nul doute que pas mal de nos collègues ont aussi posé une journée de congé pour ne pas venir travailler le 16 et soutenir le mouvement de cette façon.
Si ces derniers avaient fait grève, le taux final aurait été supérieur.

Exemple : officiellement nous avons 376 agents en grèves sur 1 303 devant être présents. Soit (376/1 303) x 100 = 28,86 % de grévistes.
Si 100 de nos collègues absents parce qu'ils avaient déposé un congé avaient été grévistes, on aurait eu (476/1 403) x 100 = 33,93 % de grévistes.
Si on prend en compte la situation particulière de 06 (vie chère), c'est un raisonnement qui se tient…

Des raisons d'espérer donc et des motifs de satisfaction.

Si on veut voir le verre à moitié vide (les points négatifs) :

  • Nationalement (vaut aussi pour le local) :

On ne va pas se mentir. Entre :

  • les collègues qui se désintéressent de la question,
  • ceux ne sont pas d'accord avec les revendications,
  • ceux qui sont d'accord mais qui pensent que les réformes sont inéluctables et qu'il ne sert à rien de se battre,
  • ceux qui sont échaudés par les résultats des luttes du printemps et qui y ont déjà laissé des plumes,
  • ceux qui trouvent que les nombreuses actions des 15 dernières années semblent ne pas avoir servi à grand-chose (alors que bien souvent, elles ont au moins permis de faire reculer certaines échéances),
  • ceux qui sont proches de la retraite et se disent « après moi le déluge » (mais pas tous fort heureusement),
  • ceux qui sont rentrés à la DGFIP récemment, n'ont pas connu « l'avant » et ont donc du mal à s'inscrire dans ces combats,
  • ceux que les restructurations arrangent parce qu'ils vont se rapprocher de leur domicile par exemple (on peut les comprendre),
  • ceux qui pensent « prime de restructuration » (raisonnement à très courte vue s'il en est),

et mille autres choses encore, on peut expliquer que les taux, mêmes s'ils sont très intéressants par rapport aux grèves des dernières années, ne soient pas à la hauteur des enjeux.

Attention, il ne s'agit pas ici de juger qui que ce soit (collègues ou idées) ni de culpabiliser quiconque. Chacun fait et pense ce qu'il veut et doit être respecté pour ça.
Il s'agit simplement d'expliquer un peu les scores, donc toutes ces "variables" sont évoquées ici.

Par contre, nous espérons qu'une fois les réformes passées, sans possibilité de défendre des droits qu'ils n'auront plus, certains auront conscience qu'il sera trop tard et qu'il faudra subir.
Les organisations syndicales et leurs militants seront toujours là pour expliquer et accompagner, mais le discours « que font les syndicats ? » risque de passer un peu moins bien.
A bon entendeur...

  • Localement :

Au-delà du taux, la présence au rassemblement devant la DDFIP Delille est une grosse déception…

Nous n'étions même pas une cinquantaine d'agents devant la direction dont une bonne vingtaine venant d'autres villes (Antibes, Cannes etc. pardonnez-moi si j'en oublie) ce qui nous laisse seulement une petite trentaine de collègues niçois présents sur le piquet.
C'est peu, trop peu, et terriblement décevant.

Étant donné le rapport de force actuel et le rouleau compresseur face auquel nous devons nous battre, la grève active aurait certainement beaucoup plus d'impact pour montrer notre mécontentement.
Rester à la maison ou prévoir autre chose lors d'une journée d'action est nettement moins significatif que si nous faisons tous bloc quand il le faut.

Là encore, aucun jugement, simplement un peu d'amertume au lendemain d'une journée comme celle-ci.

Quant à ceux qui suggèrent à cor et à cri d'autres moyens que la grève, on les attend encore dans les défilés du samedi, les campagnes de signatures de pétitions ou de distributions de tracts sur les plages variables (sans qu'il en coûte 1 centime mais seulement 1/4 d'heure à la sacro-sainte pointeuse) et autres actions qui ne coûtent rien sinon un peu de motivation et de la suite dans les idées.
Il ne s'agit pas en effet de lever les deux bras lors d'un vote à une HMI ou une AG pour faire comme tout le monde, puis se défiler ensuite lorsqu'il faut aller au mastic.
Je le répète, toutes les positions sont respectables, mais nous préférerons toujours 100 fois un collègue qui dit « non » que celui qui dit « oui » mais est aux abonnés absents une fois les actions enclenchées.

Conclusion :

Un grand bravo tout de même à ceux qui se sont mobilisés le jour J, aux militants de toutes les OS qui ont donné beaucoup de leur temps et de leur énergie pour tourner sur tous les sites afin de donner le maximum d'infos et motiver les collègues à s'inscrire dans l'action.

Espérons que la mobilisation grandisse encore et qu'elle finisse par porter ses fruits pour faire reculer l'administration et ses projets.

A l'heure ou nous écrivons, Gérald DARMANIN semble prêt à prolonger la période de "concertation" jusqu'à la fin de l'année. Le début de quelque chose ?
De même hier, une publication sur Ulysse indiquait qu'Olivier DUSSOPT (secrétaire d'état auprès de Gérald DARMANIN) suspendait le dispositif sur les agences comptables.
Nous pouvons considérer cela comme une première victoire due à la mobilisation de ces derniers mois.

pdf2019-09-19_-_3-3_grève_du_16_septembre_2019_-_analyse_des_résultats_et_billet_dhumeur_-_tract.pdf