Simone s’en est allée...
Ces derniers temps, son état de santé s’était beaucoup dégradé, les interventions chirurgicales qu’elle avait subies l’avaient bizarrement laissée très affaiblie, inquiète et désemparée.
Simone était un personnage. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle ne passait pas inaperçue même si elle ne faisait rien pour attirer l’attention sur elle. Son look pas vraiment « in » ses éternelles sandales, son panier, son bonnet de laine, l’hiver, c’était sa marque de fabrique.
C’était une authentique fille de l’Aubrac, cette terre qu’elle affectionnait du plus profond de son être, d’où elle partait chaque matin, où elle revenait tard tous les soirs.


C’est qu’il lui fallait du temps pour les parcourir, les cinquante bornes depuis le Py, quelles que soient les conditions météorologiques. Et pas question de lui faire dépasser les limites de vitesse, elle était toujours en-dessous, et tant pis pour ceux qui se trouvaient derrière sa petite voiture rouge. Parce que sa petite voiture, il fallait toujours qu’elle soit rouge pour pouvoir la retrouver plus facilement sous la neige, après les nuits de tourmente.
Elle n’arrivait pas tôt le matin, mais elle partait très tard le soir.
Au bureau, elle avait à cœur de renseigner au mieux les usagers et de tenir scrupuleusement la comptabilité. Elle prenait son temps pour bien expliquer, sans céder aux impératifs de productivité qu’on voulait lui imposer.

Vous l’avez compris : elle n’était pas dans le moule, et jamais personne n’aurait réussi à la changer. Mais dans une société ou la performance est la valeur essentielle, elle ne pouvait pas trouver sa place et, petit à petit, s’est trouvée isolée, souvent dénigrée ; ça la rendait malheureuse, elle avait l’impression de supporter toute la responsabilité des malheurs de ce monde.Elle ne parvenait pas accepter une modernité qui obligeait à sacrifier l’humanité.
Du coup, et elle reportait toute son affection sur ses chats (Calinou, Mégane,....), ses poules, les oiseaux qu’elle nourrissait à coup de grands sacs de graines de tournesol, le chien du voisin qui avait droit à son biscuit d’une marque bien particulière.

Pourtant, nous avions tous l’occasion de percevoir ce potentiel immense qu’elle portait en elle. Lorsqu’elle prenait la parole à l’AG de la mutuelle ou du syndicat, c’était toujours dans un français irréprochable et avec des tournures raffinées. Las ! On voyait plutôt des sourires narquois devant ce discours un peu suranné, et on ne l’écoutait que très rarement.
Mais quand vous aviez le privilège de passer du temps avec elle, c’était un régal. Simone était une encyclopédie à elle toute seule.
Elle était incollable quelle que soit la matière ou l’époque.
J’ai eu la chance de déjeuner souvent en sa compagnie à la cantine, c’était un rituel des plus enrichissants. Simone faisait partie du bureau de section de notre syndicat, sa parole y était écoutée et prise en compte.


Simone gagnait vraiment à être connue.

Elle nous manque cruellement.

Repose en paix, Simone

 

Simone Nasbinals