La circulaire de la première ministre en date du 8 février 2023 définit la nouvelle doctrine du gouvernement en matière d’occupation des bâtiments de l’État.
Elle est à l’origine de la « réflexion immobilière sur le site du Champ de Mars » engagée par le directeur de la DIRCOFI Sud-Ouest, comme en attestent les courriels à tous les agents de la Direction du 13 août et celui du 11 septembre 2024 à tous les agents des bureaux rue de la Liberté à Bordeaux.
Mais, muette sur ces domaines, la circulaire du 08 février 2023 emporte pourtant de graves conséquences :
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sur les conditions de vie au travail des agents,
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sur l’engagement de la responsabilité pénale du directeur local.
Vos représentants Solidaires l’ont rappelé dans leur avis 3b de la FS-SSCT du 02 mai 2024, le chantier 12-2 du COM de la DGFIP est ainsi rédigé :
Revenons sur tous les aspects de ces « espaces de travail innovants » en « réflexion » à la DIRCOFI Sud-Ouest :
1. Les motivations affichées dans la circulaire
1.1 Les constats posés par la circulaire de 2023 :
Selon la circulaire, les ratios actuels d’occupation « ne correspondent plus à la réalité des usages ni aux besoins des occupants […]. Ils sont en effet calqués sur un aménagement hérité du passé, organisé selon le diptyque bureau individuel/salles de réunion, alors que les aménagements modernes privilégient une plus grande diversité d’espaces de travail et une place importante aux espaces de travail collaboratifs ou permettant des usages hybrides ».
Ces affirmations non explicitées, ni démontrées, témoignent de la part des auteurs et autrices de la circulaire d’une méconnaissance totale, de la réalité des bureaux à la DGFIP, de l’organisation des services et de leur structuration, de la nature du travail et de son organisation. Ils ou elles n’ont jamais dû se rendre dans un service des impôts des particuliers, des entreprises, du cadastre, de publicité foncière…
La suite est sans surprise : il faut rationaliser les surfaces immobilières, les adapter aux nouveaux modes de travail afin de réduire les dépenses budgétaires (location, chauffage, entretien, rénovation), un nombre moindre de bâtiments permettra de mieux entretenir ceux qui seront conservés et d’offrir de meilleures conditions d’accueil des usagers et usagères et de meilleures conditions de travail pour les agents et les agentes.
Cerise sur le gâteau, le prétexte environnemental est avancé afin d’éviter les émissions de gaz à effet de serre, et de contribuer à l’objectif « zéro artificialisation nette » des sols, tout en mettant à dispositions d’autres acteurs les surfaces ainsi libérées.
1.2 Une nouvelle conception des espaces de travail
On pourrait résumer ainsi le credo de cette circulaire : redistribuer les m² en réduisant les surfaces actuellement destinées aux postes de travail individuels au profit d’autres espaces dénommés « bulles pour s’isoler, petites salles pour 2 à 4 personnes, salles de travail collectif de différentes tailles, salles de silence, salles de convivialité, etc. ».
Les agentes et les agents apprécieront le vocabulaire utilisé.
2. Des notions nouvelles font leur apparition
2.1. La notion de « résidents » se substitue à celle d’agents ...
Les « résidents » sont définis comme étant les personnes physiques présentes de façon régulière dans les locaux (quel que soit leur statut administratif).
Ils sont calculés en ETP, ce qui signifie que les personnes à temps partiel ne vont pas compter pour 1 mais pour leur quotité de temps (ex : 0,80 ETP). Il sera également tenu compte du temps réel de présence des personnels au regard de la nature de leurs missions.
C’est ainsi que les activités essentiellement « nomades » telles que celles d’inspection et de contrôle (Vérificateurs, enquêteurs, auditeurs, etc.) vont conduire à l’application d’une forte décote à ces calculs d’effectifs.
Au final, la circulaire énonce qu’une fois déduites les absences structurelles (congés, formation, maladie…), à partir de 2 jours de télétravail par semaine, le taux d’occupation d’un poste de travail est de moins de 50 %, sans même prendre en compte le temps passé en réunion !
Concrètement, le nombre de « résidents » sera inférieur au nombre d’agent·e·s travaillant dans le bâtiment et chaque agent et agente n’aura donc plus un poste de travail à lui ou à elle.
2.2. Un nouveau ratio d’occupation des bâtiments
Le seul ratio normatif applicable est désormais exprimé en surface utile brut (SUB) rapporté au nombre de résidents avec une cible pivot de 16m2 et d’un plafond de 18m2.
La SUB correspond à la totalité des espaces du bâtiment (espaces de bureaux à proprement parler ainsi que les espaces et locaux supports). Ce ratio s’applique désormais à tout nouveau projet immobilier.
C’est donc ce ratio qui va fixer une surface maximale avec laquelle la direction va devoir nécessairement composer et cela quelle que soit la nature de l’activité et des missions, les modalités actuelles d’organisation du travail, les besoins des agent·e·s, le fonctionnement interne du service...
Une autre unité de mesure est introduite, la surface de bureaux aménageables (SBA). Cette notion plus extensive va permettre « d’identifier les surfaces dédiées aux seules activités de bureau ou mobilisables à cet effet » comme des parties de restaurants administratifs, des espaces d’accueil … .
À quand le travail à la cave ?
2.3. Les « positions de travail » remplacent les postes de travail
La notion de « poste de travail » qui est au centre de l’activité disparaît au profit de la notion de « position de travail », en sachant qu’un agent ou une agente peut en avoir plusieurs au cours d’une même journée, ce qui est d’ailleurs conseillé.
Selon la circulaire la « position de travail » est un emplacement où l’agent·e « dispose d’une connectivité Internet, d’un éclairage, d’une assise lui offrant des conditions de confort, d’ergonomie et de sécurité permettant d’y travailler au moins une demi-journée en continu ».
En conséquence une « position de travail » c’est possiblement un poste de travail « traditionnel » ; ainsi qu’un poste de travail dans d’autres espaces (salle de réunions, bulles d’isolement, box de travail, espace de restaurant connecté, accueil…)
Il faut également comprendre que les restaurants administratifs, quand ils ne servent pas à se restaurer, les accueils à ne pas recevoir du public, pourront aussi devenir des « positions de travail ».
3. Les conséquences des projets « espaces de travail innovants » sur les conditions de vie au travail des agents
La question du « flex-office » (= pas de bureau attitré) et du « flex-desk » (= moins de bureau que d’agents) ne peut être séparée de celle du télétravail.
Le fait de ne plus avoir un poste de travail attribué au sein du collectif comporte de nombreux nouveaux risques et effets pervers, qui ne sont pas pris en compte dans la circulaire, bien que de nombreux retours d’expérience existent dans le secteur privé :
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perte de repères professionnels et du sentiment d’appartenance à un collectif,
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sentiment de déconsidération (= être traité comme un pion) et de dépossession,
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risque d’isolement si on n’arrive plus à pouvoir travailler, échanger avec les collègues de son service,
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complication des échanges entre collègues,
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prolongation sur le lieu de travail de l’isolement du télétravail,
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perte de proximité des personnels pour les encadrant·e·s,
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distension des relations sociales et la cohésion des équipes au sein du service, fragilisation du collectif de travail,
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déshumanisation de l’organisation du travail, etc.
3.1. Sur les organisations du travail
Sous couvert de modernité managériale la circulaire entend donc importer dans la fonction publique le « flex-office » ou le « sans bureau fixe».
Dans ce nouveau mode d'organisation de l'espace de bureau, les personnels alternent entre télétravail et présentiel selon un rythme choisi ou imposé par la direction.
Le changement de poste de travail va engendrer un éclatement du travail collectif. Il deviendra impossible de se retrouver entre collègues et rendra plus difficile les échanges informels sur le travail, le traitement des dossiers.
Comme il faudra être opérationnel depuis n’importe quel espace de travail, l’organisation du travail va s’en trouver profondément transformée. De fait l’activité au fil de l’eau va s’imposer avec la contrainte supplémentaire de tracer chaque opération.
Non seulement les « espaces de travail innovants » vont à l’encontre du collectif de travail, mais ils vont impacter l’organisation du travail et transformer son contenu et en conséquence peser fortement sur les conditions de travail.
De même cela risque pour les encadrant·e·s de proximité de complexifier la gestion du service et des personnels et de les éloigner des appuis qu’ils et elles sont en droit d’attendre de la hiérarchie.
Affirmer que les personnels auraient besoin de lieux différents pour exercer leur activité (recouvrer ou asseoir l’impôt par exemple) est non seulement un prétexte mais ne correspond pas à la réalité. En quoi changer régulièrement de bureau nous rendrait plus performants, plus créatifs, plus collaboratifs dans l’exercice de nos missions.
Il est clair qu’au-delà de l’alibi de réduire l’empreinte environnementale, de moderniser les espaces de travail, la véritable raison de cette politique immobilière est de réduire les surfaces consacrées à l’exercice du service public pour en réduire les coûts budgétaires au détriment de la qualité des espaces de travail et des conditions de travail.
3.2. Sur les discriminations
Le fait que chaque agent et agente n’ait plus un bureau attitré va imposer le système du « premier arrivé, premier servi ».
Cette situation va provoquer du stress et des tensions au sein des équipes si des agents et des agentes choisissent toujours les mêmes places et que d’autres devront se contenter de places moins confortables et moins opérationnelles.
Cela va forcément pénaliser les personnels ayant des charges de famille qui déposent leurs enfants le matin ou celles et ceux dont le domicile est éloigné du lieu de travail.
Par ailleurs, cela va compliquer la prise en charge et le suivi des personnels qui ont des aménagements de poste de travail. Par exemple l’agent ou l’agente qui a un fauteuil adapté à sa pathologie va devoir le transporter d’un bureau à l’autre avec le risque de stigmatisation.
Pour les personnels handicapés la situation ne sera pas meilleure et compliquera d’autant leur intégration dans les collectifs de travail. Comment une personne aveugle va-t-elle faire pour repérer son collectif de travail s’il change tous les jours ?
3.3. Sur la santé des personnels
Les nouvelles exigences en matière immobilière représentent une contrainte nouvelle qui va peser sur les personnels et amplifier les difficultés déjà rencontrées dans les restructurations passées.
Rappelons d’abord que les RPS sont « les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental », définition donnée par le rapport Gollac en 2011.
Le rapport a aussi identifié 6 axes facteurs de risques :
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l’intensité et le temps de travail,
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les exigences émotionnelles,
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l’autonomie,
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les rapports sociaux au travail,
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la souffrance éthique,
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l’insécurité de la situation de travail.
De nombreuses autres études ont démontré que ces risques professionnels sont susceptibles de générer des atteintes à la santé tant physique que mentale.
Des retours d’expérience des acteurs de prévention du secteur privé, il ressort que :
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les rapports sociaux au travail sont directement impactés par la modification des lieux de travail. Le changement constant d'espace, imposé par les « espaces de travail innovants», intensifie la charge cognitive.
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La nécessité de s'adapter en permanence à un nouvel environnement, avec de nouveaux collègues et un niveau de bruit variable, exige des efforts d'adaptation constants. Cela entraîne une augmentation des exigences émotionnelles, obligeant les agents à maintenir des comportements de façade dans un cadre de travail impersonnel et changeant.
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Là où habituellement les salariés avaient leur place, avec une chaise réglée selon leur envie de confort, leurs besoins, ils se retrouvent aujourd’hui avec du mobilier qui convient à tout le monde. Mais finalement à personne.
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La mobilité constante et le changement fréquent de poste de travail rendent les réglages ergonomiques du mobilier et du matériel informatique quasi inexistants. Les agents se retrouvent ainsi dans des configurations de travail inadaptées, augmentant les risques liés aux postures prolongées et sédentaires. Le risque est de voir apparaître des troubles comme des douleurs de dos, d’épaules ou de poignets.
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En conséquence, ces situations de travail sont aussi à l’origine de troubles musculo-squelettiques provoqués par certain gestes et postures mais aussi par les contraintes liées à l’organisation du travail (pressions, tâches dépourvues d’intérêt car standardisées, absence d’autonomie ou impossibilité de choisir sa façon de faire, mauvaises relations de travail).
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Enfin, il ne faut pas mésestimer les risques accrus en matière d’hygiène générés potentiellement par le « flex-office ». Le partage des outils de travail avec d’autres collègues (bureau, siège, téléphone, écran, casque…) peut favoriser la transmission d’agents infectieux.
3 .4. Sur les relations sociales
Le « flex-office » modifie également les relations sociales au sein du service avec les collègues et avec la hiérarchie. Les échanges informels, vitaux pour la santé et la cohésion des services, sont menacés par cette mobilité constante.
Les conversations spontanées et les communications interpersonnelles s'en trouvent affectées, réduisant les occasions d'interactions naturelles et précieuses.
De plus, le manque d'espaces adaptés à l'activité de travail peut créer des tensions. Faute d'espaces isolés suffisants, les agents et agentes se retrouvent à utiliser des salles de réunion pour effectuer leur travail. Ceci est à l’opposé de ce qu’est le travail et de la nécessité d’un travail collectif.
En effet comment tisser des liens solides avec des collègues lorsque l'on partage un espace de travail seulement quelques heures par semaine ? La mise en place du « flex-desk » réduit encore davantage les possibilités de coopération et d'interaction, en offrant moins de postes de travail que de personnel, en mettant fin aux rencontres quotidiennes.
3.5. Sur les règles de sécurité dans le bâtiment
La mise en place de « flex-offices » occasionne des travaux conséquents dans les bâtiments et modifier en profondeur les lieux de travail, les voies de circulation.
La plus grande vigilance s’impose pour exiger des directions :
- le respect des règles du code du travail applicables en matière de conception et d’aménagement des lieux de travail (articles R 4211-1 à R 4231-4) : règles d’aération, d’éclairement, accès et dégagements, évacuation, voies de circulation, espaces de travail, bruit, lieux de restauration ….
- de procéder au repérage avant travaux (article L 4412-2 du CdT) en cas de présence d’amiante dans le bâtiment (il faudra réclamer les DTA –dossiers technique amiante ...).
Sur tous ces sujets il sera important de questionner point par point l’ISST et d’obtenir de sa part des réponses écrites sur lesquelles les représentants du personnel, acteurs de prévention à la FS-SSCT, pourront s’appuyer.
4. Alors, que faire en cas de projet de ce type ?
En cas de projet de la direction locale, il faut d’abord l’aborder du point de vue de l’organisation du travail en lien très étroit avec les personnels concernés.
En cas de besoin, il faudra rappeler aux directions les termes de l’annexe 1 de la circulaire, à savoir que toutes les évolutions envisagées devront être précédées « d’un dialogue de qualité avec les représentant·e·s du personnel » et discutées « en associant étroitement les agents à toutes les étapes de leur déclinaison ».
1ère nécessité préalable à un projet d' « espaces de travail innovants » : connaître très en amont le ou les projets de la direction pour avoir le temps de l’étudier et d’en discuter avec les personnels, recueillir leur point de vue, ce qu’ils ou elles en disent, leurs critiques, en clair les mobiliser sur un sujet qui les concerne très directement. La perte d’un bureau attitré constitue une modification majeure des conditions de travail avec différents impacts.
Des éléments à prendre en compte dans les réflexions et échanges avec les agent·e·s :
- S’assurer que les postes de travail sont réellement sous occupés service par service,
- Prendre en considération que le télétravail est réversible et que dans un service où il y a du télétravail, il y aura des jours où tous les agent·e·s seront présent·e·s avec un besoin d’échanger collectivement sur la situation du service,
- Ne pas rendre invivables les lieux de réunion ou des agent·e·s qui n’ont pas trouvé de poste de travail vont s’entasser,
- Dénoncer si c’est le cas, le traitement différencié de la hiérarchie qui conserverait des bureaux individuels,
- Mettre en garde sur l’impossibilité de revenir en arrière et donc sur le caractère irréversible de mise en place de « flex-office »,
- Connaître précisément le nombre de « résidents » prévus VS le nombre d’agents,
- Recenser les personnels qui ont un aménagement de poste (personnels handicapés et autres).
2ème nécessité préalable à un projet d' « espaces de travail innovants » : obtenir l’avis du médecin du travail et de l’inspecteur/inspectrice santé, sécurité et conditions de travail (ISST), demander l’intervention du pôle ergonomique du ministère. L’avis de ces professionnels sera déterminant pour :
- Analyser les conséquences possibles sur la santé des agentes et des agents,
- S’assurer des conditions de sécurité dans le bâtiment et du respect du code du travail notamment en ce qui concerne les sanitaires, les lieux de restauration … (cf. point 3.4),
- Proposer une organisation du travail efficace, qui, à partir de l’analyse de l’activité, de la compréhension des situations de travail, permettra d’éviter la dégradation de la santé des personnels.
3ème nécessité préalable à un projet d' « espaces de travail innovants » : soumettre tout projet de transformation des espaces de travail à la consultation préalable de la formation spécialisée en santé, sécurité et conditions de travail au titre de l’article 69 du décret 2020-1427 du 20 novembre 2020.
En effet il s’agit là d’un projet important modifiant les conditions de santé ou de sécurité ou les conditions de travail.
Le projet de réorganisation présenté à la FS doit être complet et précis afin d’appréhender toutes les conséquences sur les conditions de travail des agents et agentes et d’en mesurer l’impact sur leur santé et leur sécurité. En conséquence, la direction devra présenter un dossier complet portant sur l’organisation du travail, et notamment :
- L’adéquation des futurs locaux et aménagements des espaces de travail avec la nature du travail réalisé par le ou les services des services concernés,
- Les modalités concrètes d’organisation du travail dans le cadre du passage au « flex-office »,
- Combien de bureaux individuels, de salles de réunion, de bureaux collectifs fermés, d’espace de stockage …et leurs surfaces respectives …
A l’issue des débats, les représentant·e·s du personnel à la FS-SSCT rendront un avis argumenté et motivé qui sera soumis à un vote de l’instance et sur lequel la direction devra répondre par écrit dans un délai de 2 mois.
Il faudra en outre bien-sûr faire mettre à jour le DUERP des nouveaux risques identifiés, et ceci le plus en amont possible.
5. Conclusion
Tout le monde l’aura compris, l’application des concepts des « espaces de travail innovants » dans les bâtiments et services de la DGFIP est synonyme de dégradations de travail des agents.
En effet, une fois le nombre de « positions de travail » déterminé en fonction des nouvelles règles, il est évident qu'il n'y aura plus aucun ajustement possible à la hausse du nombre de ces « positions de travail », même si les agent·e·s reviennent massivement en présentiel. Faute d’espace, il sera impossible de recréer des « positions de travail » précédemment supprimées.
En conséquence les agent·e·s n’auront plus le choix de leurs modalités de travail et les encadrants seront bloqués dans l'organisation de leurs équipes.
Solidaires Finances Publiques alerte sur les dangers, réels, que représentent les « espaces de travail innovants » pour les collectifs de travail.
Travailler ne doit pas devenir synonyme de se retrouver isolé dans un espace impersonnel, sans interactions, comme un simple visiteur de passage.
Solidaires Finances Publiques s'oppose à cette évolution qui veut sacrifier la santé et la qualité des relations de travail et celle du travail lui-même pour une pseudo-efficacité budgétaire.
Les bureaux attitrés ne sont pas un caprice, mais une nécessité pour un travail qui fasse sens et permette de l’exercer dans de bonnes conditions. Leur suppression signifie nous déshumaniser, et nous priver d'une partie essentielle de nos outils de travail et diminuer le sentiment d’appartenance à une équipe.
Ces nouvelles organisations, loin d'améliorer nos conditions de travail, les dégradent, comme cela a été déjà constaté dans le secteur privé.
Les « espaces de travail innovants » ne sont pas la solution miracle qu'on nous vend, mais un nouveau risque bien réel de dégradation de la santé des agents et agentes
Et le corollaire immédiat est que ce type de projet engage la responsabilité pénale du directeur local dans le cadre de son obligation légale de sécurité de résultat en matière de santé, sécurité et conditions de travail des agents placés sous sa responsabilité.
En effet, rappelons encore une fois que l’employeur est responsable devant la loi de la santé et de la sécurité de ses salariés. Il est tenu à une obligation de sécurité, comme le rappelle en sa page 17 le guide sur la prévention des RPS de la DGFIP, et tous les articles du Code du Travail en matière de SSCT trouvent à s’appliquer à toute la Fonction Publique, et à leurs agent·e·s et directeurs :
Obligations générales de l'employeur (art. L. 4121-1 et suivants du Code du travail)
« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
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des actions de prévention des risques professionnels, y compris les facteurs de risques professionnels qui ouvrent droit, sous certaines conditions, à des mesures de compensation (anciens facteurs de risques dits « de pénibilité au travail ») ;
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des actions d'information et de formation ;
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la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »
L’employeur doit aussi mettre en œuvre les mesures de sécurité sur le fondement des principes généraux de prévention suivants (art. L. 4121-2 du Code du travail), dans cet ordre :
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« Éviter les risques : c’est-à-dire supprimer le danger ou l’exposition à celui-ci ; par exemple, l’employeur qui privilégie les visioconférences pour les réunions afin d’éviter les risques inhérents aux déplacements professionnels.
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Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités : il s’agit d’apprécier leur nature et leur importance afin de déterminer les actions à mener pour assurer la sécurité et garantir la santé des travailleurs. Concrètement, l’évaluation des risques conduit les entreprises à :
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identifier les dangers : le danger est la propriété ou capacité intrinsèque d’un équipement, d’une substance, d’une méthode de travail, de causer un dommage pour la santé des travailleurs ;
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analyser les risques : c’est le résultat de l’étude des conditions d’exposition des travailleurs à ces risques. Ces derniers sont ensuite classés en fonction de leur gravité, de leur fréquence.
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À la suite de cette évaluation, l'employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.
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Combattre les risques à la source : c’est-à-dire d’intégrer la prévention le plus en amont possible, notamment dès la conception des lieux de travail, des équipements ou des modes opératoires.
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Adapter le travail à l'homme : en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé. Par exemple, la phase d’évaluation des risques peut permettre de repérer des plans de travail d’une hauteur inadaptée pour les salariés (entraînant des contraintes importantes et des efforts inutiles). Ce plan peut être surélevé ou abaissé pour diminuer le risque d’atteintes ostéo-articulaires. Il s’agit ainsi de concevoir les postes de travail et choisir les équipements, les méthodes de travail et de production pour limiter notamment le travail monotone ou cadencé.
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Tenir compte de l'état d'évolution de la technique : c’est-à-dire prévenir les risques résultant des évolutions techniques. Assurer également une veille pour suivre les évolutions techniques et les exploiter pour améliorer les moyens de prévention existants.
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Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux : éviter notamment l’utilisation de procédés ou de produits dangereux lorsqu’un même résultat peut être obtenu avec une méthode présentant des dangers moindres (le remplacement d’un produit cancérogène par un produit moins nocif, ou l’utilisation de peintures sans solvant, par exemple).
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Planifier la prévention : en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes. En cas d’intervention de plusieurs entreprises sur un même lieu, organiser la prévention en commun.
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Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle : l’utilisation des équipements de protection individuelle doit intervenir en complément des protections collectives si elles se révèlent insuffisantes.
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Donner les instructions appropriées aux travailleurs : il incombe à l’employeur de donner aux salariés les informations nécessaires à l’exécution de leurs tâches dans des conditions de sécurité optimales. Il s’agit notamment de leur fournir les éléments nécessaires à la bonne compréhension des risques encourus et ainsi de les associer à la démarche de prévention. Ces principes doivent être mis en œuvre en respectant les valeurs essentielles et les bonnes pratiques de prévention (voir dossier : Principes généraux d’une démarche de prévention). Ces principes montrent le caractère plurifactoriel (organisationnel, humain, technique…) des risques professionnels. »
Et, tel que rappelé dans le guide DGFIP sur la prévention des RPS en sa page 19 :
« La faute inexcusable : Ainsi, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience d’un danger auquel il exposait les salariés et qu’il n’a pas pris les mesures de protection nécessaires, il commet une faute inexcusable qui va engager sa responsabilité civile et pénale.
C’est donc l’inaction de l’employeur qui déclenche sa responsabilité, dont il ne peut s’exonérer.
(…) La Cour de cassation a reconnu que la responsabilité de l’employeur devait être retenue dans la mesure où il avait manqué à son obligation de sécurité et de résultat alors même que cette faute n’avait entraîné aucun préjudice quant à la santé physique ou mentale du salarié »
Donc, il apparaît clairement que le fait d'exposer un agent à un risque identifié, sans prendre les mesures de prévention qui s'imposent, est un manquement à l'obligation de sécurité de moyens renforcée de l'employeur.
Le manquement à cette obligation peut faire l'objet d'une condamnation pénale au tribunal correctionnel.
Pour Solidaires Finances Publiques, les projets de nouveaux « espaces de travail innovants » à la mode DGFIP relèvent en l’état de la mise en danger des agents en faisant fi des risques nouveaux auxquels ils devront faire face, et constituent donc un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur en matière de santé, sécurité et conditions de travail.
Dégrader les conditions de travail est un délit.
Qu’on se le dise.
Pour aller plus loin ...
- https://sections.solidairesfinancespubliques.info/330/275-quand-la-dgfip-se-prend-pour-une-start-up-demain-tous-nomades.html
- https://www.cadremploi.fr/editorial/actualites/actu-emploi/le-flex-office-cree-t-il-un-risque-dde-desengagement-des-salaries
- https://www.miroirsocial.com/participatif/le-flex-office-ma-tuer
La_révolution_des_espaces_de_travail_INRS.pdf