Si le style et le vocabulaire rappellent plutôt l’œuvre d'un cabinet privé de consulting, on notera le net basculement vers un mode d'encadrement que Solidaires Finances Publiques combat depuis des années et qui vise à limiter l'encadrant dans un rôle de V.R.P. des réformes de casse de notre service public de proximité et de technicité : les managers doivent devenir des manipulateurs d'équipes.
Mais ces managers n'ont aucun moyen d'agir voire même juste de discuter des fondements de cette "transformation". Il convient de faire adhérer à ce projet. Et si la réforme ne passe pas, ce sera de la faute des managers qui n'auront pas su communiquer car leur rôle, c'est précisément d'être le relais de cette communication, parfois même au moyen de procédés psychologiques abjects : "La communication est essentielle pour donner du sens et engager les équipes. Celle-ci doit être adaptée à chaque étape de la transformation en fonction de la personne à qui l’on s’adresse et de l’effet recherché sur son auditoire (agir sur les peurs, les certitudes, donner du sens…)".
Syndicat vertical, Solidaires Finances Publiques 38 réaffirme que les cadres sont des agents, des collègues, des membres de notre collectif de travail. Un cadre, pour nous, c'est la crédibilité technique, la capacité à animer une équipe, la capacité à représenter un relais avec la Direction. Or, dans le livret, on conceptualise un robot, quelqu'un de désincarné, sans dimension technique.
On bascule vers l'ingénierie sociale de manipulation avec l'identification du profil des acteurs. Pour soutenir le projet et convaincre les indécis, il convient « d'identifier les différentes typologies d’acteurs et d'adapter son management en conséquence, de concentrer les actions auprès des agents qui attendent de voir la suite du projet, et de s’appuyer sur les agents qui font la promotion du projet ». Le livret a même pour ambition d'être un outil pour comprendre le rationnel et l’émotionnel. Concernant la gestion de la dimension affective, l'accompagnement au changement est décrit comme un deuil vécu par l'agent et le manager est là pour l'accompagner : "L’adaptation à un changement majeur passe par différentes étapes et décrit souvent une courbe, comme illustré dans ce diagramme inspiré des travaux d’Elisabeth Kübler-Ross sur le deuil."
Dans ce livret, les A++ ne paraissent être que des concepteurs déjà acquis à la cause, et non susceptibles de constituer des interlocuteurs pour des Chefs de Service sur lesquels repose la totalité de la démarche de changement. La DGFiP fonctionne de plus en plus comme une société de castes, cloisonnée et fermée à l’échange qui voit dans toute contestation technique et professionnelle un manquement au devoir de loyauté, argument d'autorité trop souvent rabâché.
Plus encore, le document marque un silence assourdissant sur des points essentiels :
- comment faire progresser l’existant en faisant face à la réduction permanente des effectifs qui, déjà aujourd’hui, ne permet plus de remplir nos missions dans la plupart des services ?
- comment concilier l’impératif catégorique de l’efficacité avec notre conception exigeante du service public ?
- comment gérer l’innovation alors que les Chefs de Service ne disposent d'aucune marge de manœuvre et d'aucun levier dans l'animation du collectif de travail ?